Une année de jardinier pour commencer l'année
Dans les commentaires du billet "Quelque part entre humus et humour", à propos de l'humour jardinier, une dénommée Romaine a attiré mon attention sur un livre "L'année du jardinier" de Karel Čapek. C'est ce livre dont je parlais dans le billet précédent "Anciennes traditions, nouvelles traditions".
Karel Čapek est aussi connu pour être l'inventeur du concept de robot. En 1929, il écrit "L'année du jardinier".
Les avis sur ce livre sont plutôt unanimes et positifs. Je me suis donc décidé à l'acquérir. Difficile à dénicher en neuf, je l'ai acheté d'occasion.
Ce petit livre se lit rapidement, le temps d'un week-end, et est illustré par les dessins de Josef Čapek, frère de l'auteur.
Cette année du jardinier est découpée en 26 chapîtres, chaque mois alternant avec une approche d'un thème propre au jardin. C'est un grand tour de la question qui est fait : bouturage, griffage, arrosage, rocailles, terre, etc ... Humour et poésie sont au rendez-vous. Karel Čapek est un amateur connaisseur qui se moque des amateurs connaisseurs, donc de lui-même. Et en tant que connaisseur, il nous cite une quantité de noms de plantes. Mais pour autant, ce livre s'adresse aussi bien aux jardiniers confirmés qu'à ceux qui n'y connaissent rien. Ces longues listes de fleurs ne sont que là pour souligner que le jardinier, malgré lui, aime bien étaler sa science et montrer son oeuvre.
Plus que le jardinage et le jardin, Karel Čapek décrit le jardinier. Il y expose ses qualités mais aussi ses travers. "Ainsi donc la jardinier, en avril, est un homme qui, un plant à demi desséché à la main, fait vingt fois le tour de son jardin pour chercher un coin de terre où il n'y ait encore rien de planté."
Et même s'il se limite d'une part au jardin citadin, et d'autre part au jardin de fleurs, chacun peut s'y retrouver. Ou presque.
"Des personnes d'un certain âge et passablement distraite [...] disent, chaque printemps, qu'elles n'ont pas souvenir d'avoir jamais vu un printemps pareil." Certaines choses ne changent pas, mais on sent tout de même que ce livre a été édité en 1929. Bien des préoccupations actuelles ne sont ici aucunement prises en compte. Le jardinier de cette époque arrose à tout-va voire joue avec le tuyau d'arrosage, sans se soucier du gaspillage, que ce soit au niveau de sa consommation en eau, ou au niveau de la bonne utilisation de cette eau par les plantes.
Ce jardinier traite avec tout ce qu'il trouve, et ne sait pas qu'un des ennemis du puceron n'est autre que la coccinelle. Pire encore, il incite à la destruction des perce-oreilles. Ce jardinier ne connait rien de l'agriculture biologique.
Et en réfléchissant à la question, c'est tout à fait normal que l'agriculture et le jardinage de l'époque ne puissent pas être qualifiés de biologique. L'utilisation en grande quantité de produits phytosanitaires organiques et chimiques débuta en 1939. Auparavant, les pesticides étaient "naturels".
L'agriculture biologique est née de l'utilisation des pesticides de synthèse à grande échelle. Avant cela, elle n'existait pas à proprement parlé. Une conscience écologique au sein de l'agriculture a vu le jour en réaction aux multiples pollutions et dégradations de l'environnement, conséquences d'une agriculture irraisonnée d'après-guerre.
En lisant cet instantané de l'année 1929 du jardinier, je réalise que l'agriculture et le jardinage biologiques ne sont pas du tout des retours en arrière, mais bien des avancées en la matière, cherchant à étudier et intégrer les mécanismes naturels à un milieu artificiel.
Cependant, que ce soit il y a un siècle ou aujourd'hui, le jardinier est toujours impuissant face aux éléments, et il ne lui reste que sa prière au Bon Dieu :
"Mon Dieu, faites qu'il pleuve tous les jours, à peu près de minuit à trois heures du matin, mais que ce soit une pluie lente et tiède, afin que la terre puisse bien s'imbiber ; qu'il ne pleuve pas sur la lavande et toutes les autres plantes qui Vous sont connues, dans Votre infinie bonté, comme des plantes amies de la sécheresse ; si Vous voulez, je Vous en écrirai la liste sur un bout de papier ; et que le soleil brille toute la journée, mais pas partout (par exemple pas sur les rhododendrons), et qu'il ne soit pas trop ardent ; qu'il y ait beaucoup de rosée et peu de vent, une quantité raisonnable de vers de terre, pas de pucerons, ni de limaces, pas de moisissures, et que, une fois par semaine, il pleuve du purin étendu d'eau et de la fiente de pigeon.
Amen."
"L'année du jardinier" est donc un livre à feuilleter pendant un week-end ou régulièrement chaque mois. Il permet de relativiser sa propre situation vis-à-vis de son jardin, et met du baume au coeur.