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Un Blog Bio Mais Pas Trop
8 janvier 2007

Anciennes traditions, nouvelles traditions

Autour d'un café et de biscuits à la noix de coco,je discutais avec ma grand-mère. Je ne sais pas comment je suis venu à parler d'un bouquin que je suis en train de lire. Peut-être en évoquant le purin d'ortie.

Dans ce bouquin daté de 1929, il n'est fait aucune allusion à la coccinelle en tant qu'alliée du jardinier face aux pucerons.

Ma grand-mère se souvint alors de moments de son enfance passés dans le potager de sa tante. C'était il y a un peu plus de 60 ans.
Les pieds de haricots étaient couverts de pucerons. Ma grand-mère, une coccinelle au bout du doigt, chantonnait :
" - Bête à Bon Dieu, vole, vole, vole
Bête à Bon Dieu, vole jusqu'aux cieux."
Et la tante lui rétorque séchement:
"- Débarrasse toi donc de cette bestiole, tu vas attirer les pouillons !"

En patois lyonnais, un pouillon est un puceron. C'est pour moi l'occasion de dépoussiérer une expression que je n'ai pas utilisée depuis longtemps : "être cafi de pouillons". Une salade, par exemple, est cafi de pouillons quand elle est recouverte, pleine, remplie de pucerons.

Et ma grand-mère poursuit l'évocation de ses souvenirs. Elle revient aux orties, et à la hantise qu'elle éprouve à leur contact.
L'ortie, on le sait bien, a de multiples utilisations. Une des tâches de ma grand-mère quand elle était enfant, était de ramasser les orties, les coupâter (les hacher menu) puis les mélanger avec du son pour l'alimentation des lapins. Et tout ça à mains nues, d'où la hantise citée ci-dessus.
Une poignée d'ortie servait également à faire la vaisselle. Enfin, la plante était aussi utilisée pour laver le linge noir.

Et dernière anecdote, ma grand -mère me parle d'une de ses parentes qui, chaque matin, vidait son pot de chambre (les W-C intérieurs sont un luxe relativement récent), et jetait le rinçon (l'eau de rinçage) dans son massif de rosiers. Les roses y étaient superbes ...

Je pensais sincèrement que l'appétit de la coccinelle pour les pucerons était connu depuis longtemps. Mais non. Jusqu'à une certaine époque, le savoir traditionnel était un savoir empirique, fondé uniquement sur l'observation et l'expérience. On  en restait aux symptômes, à partir desquels on échaffaudait des hypothèses plus ou moins confirmées par l'expérience. Ainsi là où il y a des coccinelles il y a des pucerons, donc les coccinelles attirent les pucerons. Et l'ortie nettoie bien les plats.

On peut considérer que la tradition d'aujourd'hui, la nouvelle tradition, se fonde sur des éléments plus scientifiques et des observations naturalistes. Là où on voit des coccinelles, on voit aussi des pucerons parce que les pucerons attirent le prédateur que sont les coccinelles. Et sachant que l'ortie est riche en silice, je comprends très bien qu'une poignée de cette plante soit légèrement abrasive.
La tradition n'est donc pas si sclérosée qu'elle y paraît. Tandis qu'elle se transmet d'un individu à l'autre, d'une génération à la suivante, d'une région à la voisine, elle évolue, et peut-être qu'elle se doit d'évoluer. Et peut-être aussi qu'une tradition immuable n'en est pas vraiment une.

Enfin certes, la tradition n'a pas toujours raison, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut la jeter aux orties ...

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Commentaires
D
@ Gricz : ça rejoint pas mal de choses que j'ai pu mettre sur le blog, il faut savoir remettre et se remettre en question.<br /> <br /> @ Miss Ellanée : cafi ou crafi, je ne saurai pas dire d'où ça vient. ça sonne italien, non ? ou alors espagnol ?<br /> Mais avec la radio ou la télé ou les deux, il y a tout une ribambelle de mots de ce style que je n'utilise plus.
M
Chez moi dans le sud-ouest on ne dit pas "cafi" mais "crafi" ! lol
G
Cela rejoint une étude menée auprès de populations africaines par Philippe Desbrosses pour revenir à des cultures plus raisonnées en s'appuyant sur les connaissances locales de la flore mais en supprimant les traditions nuisibles au sol comme les brulis...il y a toujours du bon à prendre pour qui sait écouter avec discernement.
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